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tage, mais un avantage inappréciable en Afrique : celui de se trouver partout et de ne rien coûter.

Quelquefois Georges, avide d’émotions, entraînait son capitaine à la chasse, et Mohiloff, qui le suivait comme son ombre, faillit un jour rester dans l’une de ces expéditions. Il s’agissait d’une chasse à l’hippopotame ; le capitaine Cassaigne venait de tirer inutilement deux coups de fusil sur l’un de ces énormes pachydermes, lorsque soudain le petit canot dans lequel les trois hommes étaient montés fut soulevé comme une plume par l’animal furieux. Mohiloff fut assez sérieusement bousculé, et les trois naufragés furent en hâte recueillis par une embarcation envoyée du rivage. « Cuir de Russie » donna même à Mohiloff une preuve de camaraderie peu commune en accourant le premier et en se jetant à l’eau pour l’aider à se soutenir ; or, je vous l’ai dit, les caïmans pullulent dans le Sénégal, et pendant les quelques minutes que dura ce bain forcé, Georges ne put s’empêcher de se rappeler la fin tragique du petit nègre, dévoré par un requin sous ses yeux, quelques jours auparavant. Habitué à ces aventures, le laptot naufragé, accroché à la barque chavirée, battait l’eau avec un de ses avirons, pour empêcher les redoutables sauriens d’approcher.

Ce fut la seule chasse de cette nature que tenta Georges Cardignac ; peu à peu d’ailleurs il devait reconnaître qu’il n’est pas permis, dans ces régions où le danger est partout, de l’affronter uniquement pour y trouver une distraction. L’officier aux colonies a charge d’âmes, et les périls qu’il court pour remplir ses devoirs à toute heure sont assez nombreux pour qu’il n’en cherche pas d’autres par dilettantisme.

M. d’Anthonay, lui, ne prenait aucune part aux distractions par lesquelles les officiers du bord essayaient de tuer le temps, pendant cette longue navigation. Sombre et soucieux, il maudissait la lenteur du Faidherbe et supputait les longs jours pendant lesquels, à partir de Kayes, il faudrait encore marcher pour atteindre le fort de Kita, le dernier point alors occupé par les Français, entre le Sénégal et le Niger.

Dans tous les postes où aborda le convoi, à Richard-Toll, à Dagana, à Podor, à Mafou, à Saldé, il courait anxieux au bureau télégraphique et se mettait aussitôt en communication avec Saint-Louis.

Mais le gouverneur ne savait rien, et Henriette Ramblot qui, de son côté, transmettait à M. d’Anthonay, dans chacun de ces postes, les dépêches de