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— La maison Ramblot ? vous connaissez M. Ramblot et ses deux filles !… s’écria Georges qui, depuis quelques instants, l’attention éveillée par les détails que donnait l’ancien magistrat, voyait poindre dans son histoire les figures connues qui avaient traversé son séjour à Dijon, pendant le mois de novembre 1870.

L’étonnement de M. d’Anthonay égala celui du jeune homme en entendant cette exclamation.

— Certes, reprit-il, je connais cette famille : je connais M. Ramblot comme le plus courageux des hommes ; c’est un des plus infatigables pionniers de cette civilisation nouvelle, poussée par la France dans les profondeurs du Soudan ; il ne pèche que par un défaut, et un défaut bien français : la témérité. Ainsi, il est un des premiers qui aient poussé jusqu’au Niger, et, dans son dernier voyage, il a pu descendre le grand fleuve africain jusqu’à Ségou.

— La capitale du sultan Ahmadou, notre allié ?

— Oh ! notre allié ! fit M. d’Anthonay, en hochant la tête ; c’est une épithète bien risquée s’appliquant à ces tyrans noirs, surtout si l’on songe que non loin de là, de Sierra-Léone, partent sans cesse des émissaires anglais, offrant à ces roitelets nègres de l’or et des armes pour se retourner contre nous. Allié aujourd’hui, ennemi demain, tel m’apparaît ce fameux sultan de Ségou, une figure peu ordinaire, j’en conviens ; et j’ai trouvé M. Ramblot bien imprudent d’avoir poussé son voyage jusque-là. Une fantaisie d’Ahmadou pouvait lui coûter la tête. Quoi qu’il en soit, ce brave et digne homme a fondé un comptoir à Kita, notre poste extrême dans l’Est, et il compte, l’an prochain, si les traités signés par le colonel Borgnis-Desbordes le permettent, en installer un autre sur le Niger même.

— Et ses deux fillettes que j’ai connues si gaies, si gentilles, en passant à Dijon ?

— Ce sont deux grandes et belles jeunes filles ; l’une, Henriette, est brune et a vingt-deux ans ; c’est elle qui tient la maison de Saint-Louis, s’occupe des achats et de la comptabilité : une maîtresse femme, je vous assure ; l’autre, Lucie, a dix-sept ans ; elle est blonde et mutine, d’un caractère très résolu sous de frêles apparences, et accompagne souvent son père dans ses explorations.

— Comme je vais être heureux de les revoir.

Et de fait, à la joie d’entrer dans l’inconnu d’une vie nouvelle et aventureuse, vint se joindre, à dater de ce jour, pour notre jeune ami, la perspec-