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Notre ami rougit jusqu’aux oreilles ; et par sympathie, le petit Andrit rougit plus fort encore.

Qu’avait fait le pauvre Georges ? Est-ce parce que tous deux stationnaient sur le Grand Carré, si formellement interdit aux recrues ? Mais les anciens n’étaient pas encore là, et on avait dit « aux melons » qu’avant l’arrivée de ces terribles maîtres, ils pouvaient circuler partout.

— La faute que je vous reproche, reprit le capitaine, est une faute de tenue, et il ne faudra plus jamais y retomber, vous m’entendez ?

Georges, interloqué, jeta un vague regard sur toute sa personne : il était propre pourtant, et n’avait pas mis sa veste à l’envers.

Quant au petit Andrit, plus mort que vif devant le ton sévère du capitaine de service, il eût voulu rentrer sous terre, sentant qu’après Cardignac, il aurait inévitablement son tour.

Soudain un sourire bienveillant détendit la figure de l’officier, et sa voix se transforma.

— Voyons, Cardignac, fit-il, pourquoi ne portez-vous pas votre médaille militaire ? Ne savez-vous pas qu’elle se porte toujours, et qu’en uniforme, tout décoré, tout médaillé est tenu de l’arborer ? Voilà la faute de tenue que j’ai à vous reprocher.

— Je ne savais pas, mon capitaine, répondit Georges, complètement remis dans son assiette ; et puis je n’ai qu’un petit ruban de boutonnière : j’ai laissé la médaille à ma mère ; mais je vais lui écrire pour…

— Non pas ; laissez ces reliques à votre mère, bien qu’elle n’en ait pas besoin, j’en suis sûr, pour penser à vous à toute heure, et acceptez celle-ci de votre premier capitaine : il me sera agréable de voir ce souvenir de moi sur la poitrine d’un brave enfant comme vous.

— Oh ! mon capitaine,… fit Georges.

Et il ne put en dire plus, car sa voix s’étrangla. Mais une larme, une larme de bonheur jaillit de ses yeux bleus, pendant que l’officier fixait sur le côté gauche de la veste le ruban jaune et vert.

— Je vous dispense de fausse-manche pendant vos deux années d’école,… ajouta le capitaine Manitrez en serrant la main de son élève en guise de conclusion.

Et cette faveur, Georges n’en devait connaître le prix que plus tard, car, seuls, à l’école, les sergents-majors sont dispensés du port de cet affreux