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D’abord, le froid persistait, terrible, et les routes, couvertes d’une épaisse couche de neige, devenaient impraticables.

Du froid et de la fatigue, on peut encore triompher avec de l’énergie. Mais contre quoi toute l’énergie vient se briser, c’est contre le manque de vivres et l’absence de repos. Or les malheureux soldats de l’armée de l’Est n’avaient que rarement un abri, et les distributions, toujours tardives, leur arrivaient lorsque, brisés par la fatigue, après une dure étape, ils avaient succombé au sommeil ; le plus souvent donc, ils se couchaient sans avoir le courage de manger.

Notre mouvement en avant avait commencé le 5 janvier 1871 ; le 9, nous prenions contact avec l’ennemi à Villersexel.

Cette journée fut pour nous une victoire, car la ville prise par les Allemands fut reprise par nous, après une lutte épouvantable qui se prolongea la nuit et jusqu’au lendemain matin. Ce ne fut qu’à trois heures du matin, que le château resta définitivement entre nos mains, après avoir été pris et repris deux fois ! Néanmoins, toujours immobilisé par le manque d’approvisionnements, le général Bourbaki ne put continuer sa marche en avant que le 11 janvier.

Werder était pourtant dans une situation critique ; mais il reçut à ce moment l’ordre formel du Maréchal de Moltke d’avoir à résister coûte que coûte. Le Feld-Maréchal l’avisait en outre de l’arrivée prochaine de l’armée de Manteuffel.

Rendons à ce général cette justice qu’il fit contre nous tout son devoir avec une ténacité extraordinaire. Nous pouvons l’en louer, car on ne se diminue pas soi-même, au contraire, en rendant hommage au mérite de ses ennemis.

C’est ainsi qu’il prépara, entre Héricourt et Montbéliard, sa ligne de bataille pour nous barrer la route, et là eut lieu une terrible bataille qui dura trois jours : les 15, 16 et 17 janvier.

Terrible ! certes, car il y eut, de part et d’autre, une dépense d’énergie incroyable.

Le 15 au matin, la section de Paul Augier avait été envoyée en reconnaissance sur notre aile droite, face à Montbéliard.

Il faisait une brume assez épaisse, et l’officier avait prescrit la plus active attention en raison du voisinage très rapproché de l’ennemi.