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quelle place il tient dans un régiment, cette forteresse dont les remparts sont des poitrines humaines ; vers lui vont tous les regards à l’heure du danger à lui, se sont sacrifiées volontairement des milliers de nobles vies ! Un peuple qui a le culte du drapeau et de l’honneur dont il est le signé, ne meurt pas ; ayez-le, ce culte, mes enfants, pour que notre France vive ! proclamez-le bien haut, pour qu’elle se relève !…

Le 29 octobre à midi, de longues files interminables d’hommes hâves, sombres, amaigris, arrivèrent devant les régiments allemands qui les attendaient l’arme au pied, et défilèrent mornes et dignes devant leurs vainqueurs ; la captivité, une dure captivité de cinq mois, était au bout de cette première étape !


Ce soir-là, près du fort Saint-Quentin, une longue file de canons et de mitrailleuses s’alignaient sur les glacis ; une délégation d’officiers allemands devait venir en prendre possession à cinq heures. Deux officiers d’artillerie français causaient tristement à voix basse, attendant l’arrivée des vainqueurs, pour leur remettre les canons et les caissons suivant les clauses de la capitulation.

Soudain, du côté des bois, un sous-officier français d’artillerie parut ; il était grisonnant, portait une barbe inculte et montait un cheval de haute taille, à forte encolure, un de ces chevaux de grosse cavalerie comme en possédaient les régiments poméraniens ; à sa selle, était adapté un poitrail aux extrémités duquel des traits d’attelage roulés pendaient librement.

Ce sous-officier était Mahurec, le chef de pièce.

Mahurec guéri et sorti de l’ambulance depuis quelques jours seulement.

Où le Breton, démonté depuis longtemps, puisque la plupart des chevaux avaient été mangés, avait-il trouvé ce cheval ? ou plutôt quel coup de main le lui avait livré ? on ne le sut jamais ; qu’en voulait-il faire ? je vais vous le dire.

Il arriva au trot devant le parc d’artillerie, passa entre la ligne des pièces et celle des caissons, sauta à terre, prit sa monture par la bride et lentement parcourut le front des mitrailleuses devant les officiers étonnés.

Il examina chacune d’elles avec attention, se penchant pour en lire les numéros gravés sur les tourillons et tout à coup s’arrêta.

À certains détails de construction qui ne le trompaient pas, à certains