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deux corps d’armée anéantis… c’était la version que les Anglais, toujours favorables aux plus forts, donnaient du combat glorieux de Borny… Puis le même soir, une lettre de Pierre était arrivée à Paris : il venait, sur sa demande, de passer capitaine commandant au 1er  régiment de chasseurs d’Afrique et s’apprêtait à rejoindre son corps à Verdun, avec un cadre de sous-officiers et de brigadiers tiré des chasseurs de la Garde… Dans deux jours, il aurait quitté Paris et demandait au colonel de donner l’hospitalité à sa chère Margarita et à Mme Renucci… Il ajoutait que le gâchis augmentait, que l’affolement régnait dans la capitale et que tout lui semblait aller de plus en plus mal…

Après la lecture de cette lettre, Georges s’était levé, en proie à une véritable exaltation ; il avait rappelé à sa mère l’engagement formel qu’il avait pris : « Père, je te rejoindrai. »

Le colonel l’avait embrassé sans mot dire… donc il l’approuvait !…

Toute en larmes, elle l’avait supplié de renoncer à ce projet : il n’était qu’un enfant… on n’accepterait pas son engagement ; n’était-ce pas assez que son père fût parti ? que deviendrait-elle, seule, avec ses inquiétudes ?

Mais, poussé par une force invincible, il avait eu le courage de résister, répétant nerveusement : « Je m’engagerai ; je m’engagerai. »

Alors elle avait ordonné ; mais, à sa défense, il avait opposé la volonté de son père dont il était sûr, l’exemple de son grand-père auquel elle ne pouvait rien objecter et, le lendemain, il était parti.

Georgewitz avait voulu le suivre, mais celui qu’il considérait comme son jeune maître lui avait ordonné de rester auprès de Mme Cardignac ; et, le cœur gros, le petit Russe, comme on l’appelait toujours, avait obéi.

À Paris, Georges avait pu voir Pierre Bertigny avant son départ : il l’avait trouvé très troublé par cette atmosphère de méfiance qui régnait dans la grande ville, mais content néanmoins de retourner aux chasseurs d’Afrique, et surtout de servir sous les ordres du général Margueritte qu’il connaissait. Quant à Margarita, elle était désespérée de cette cruelle séparation et Georges l’avait, de la part de sa mère, engagée à rallier le Havre au plus vite avec Mme Renucci, pour y unir leurs solitudes.

Enfin, le soir même, le fils du colonel Cardignac était monté dans un train pour Metz, un train militaire, comme celui où son père avait trouvé place.

Un sergent l’avait interpellé : « Je vais m’engager », avait répondu Georges ;