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lanciers autrichiens s’étant montrés sur les flancs d’un régiment de cavalerie, qu’il vaut mieux ne pas désigner par son numéro, apparurent au milieu des ombres de la nuit, comme l’avant-garde d’une charge prête à balayer la plaine.

Au cri de « sauve qui peut », l’affolement commença, et, pêle-mêle escadrons, batteries, équipages reculèrent sur la route de Brescia. L’énergie des officiers finit par enrayer ce mouvement, mais quelques fuyards ne s’arrêtèrent qu’à vingt-cinq kilomètres de Solférino.

En présence de résultats semblables, dus au grossissement que provoque dans les imaginations la crainte de l’obscurité, on se demande si de simples compagnies, vigoureusement commandées et habituées aux manœuvres de nuit, ne pourraient pas, dans la prochaine guerre, produire des effets de surprise inattendus sur des masses énervées par une journée de lutte, et s’il ne conviendrait pas d’opérer dans ce sens le dressage de certaines unités.

Or, les unités qui semblent qualifiées, dans la guerre de demain, pour jouer ce rôle sont les compagnies cyclistes, et j’aurai l’occasion de vous en reparler, mes enfants, quand nous arriverons au récit des événements qui s’accomplissent de nos jours.[1]


Pendant que l’armée française triomphait sur toute la ligne, l’armée italienne, composée de cinq divisions et comptant quarante mille hommes sous les ordres directs de Victor-Emmanuel, se faisait battre, pour n’en pas perdre l’habitude, à San Martino, par le général autrichien Benedeck qui n’en avait que dix-huit mille.

Pourtant, le Roi Victor-Emmanuel était un brave soldat, s’il était, un général médiocre. Il avait même, à Palestro, fait preuve d’un beau sang-froid au feu ; et j’ai même omis de vous raconter à ce sujet une anecdote assez typique.

Le soir de la bataille de Palestro, Victor-Emmanuel qui avait été, au cours de la journée, émerveillé de la bravoure des zouaves, vint incognito faire un tour dans leurs bivouacs.

Le Roi, enveloppé d’un grand manteau, mais suivi de deux aides de

  1. 3e volume de l’Histoire d’une Famille de Soldats : Petit Marsouin.