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Pierre Bertigny arbora le dolman bleu, galonné de la tresse d’argent et le coquet shako à la jugulaire de cuivre doré ; il regretta bien un peu de ne pouvoir aller visiter ses amis d’Italie dans cette brillante tenue, car il était interdit d’aller à l’étranger en uniforme, mais il se fit faire un vêtement civil élégant, lança sa demande de permission et, pour la seconde fois, annonça à Francesco son arrivée prochaine.

C’était en décembre 1858.

Quinze jours après, aux réceptions du 1er  janvier 1859, l’Empereur Napoléon III, s’adressant au baron de Hubner, représentant l’Autriche, à Paris, lui dit :

— Je regrette vivement, monsieur l’Ambassadeur, que mes relations avec votre gouvernement ne soient plus aussi bonnes que par le passé, mais je vous prie de dire à l’Empereur que mes sentiments personnels pour lui ne sont pas changés.

En langage non diplomatique, cette phrase, mes enfants, n’a qu’une traduction ; elle est la suivante :

« J’aime votre souverain de tout mon cœur, mais ça n’empêche pas que la guerre avec votre pays est devenue inévitable et que vous pouvez compter dessus. »

Ce fut ainsi, d’ailleurs, qu’elle fut interprétée, dès le lendemain, par la presse de l’Europe entière.

Quelques jours après, un ordre du Ministre de la Guerre supprimait toutes les permissions, rappelait tous les hommes en congé et prescrivait la mobilisation de trois armées, une sur la frontière des Alpes, une sur le Rhin et une à Lyon.

Dès lors, Pierre Bertigny, privé définitivement de permission et déçu pour la deuxième fois, ne vécut plus que dans l’espérance de voir la situation se brouiller tout à fait ; il mit de côté son élégant complet de voyage et ne rêva plus que d’entrer au pays de Margarita, shako en tête et sabre au côté.

Son espoir ne fut pas déçu : le 3 mai, la guerre était déclarée par l’Autriche au Piémont et par la France à l’Autriche.

Une éloquente proclamation de l’Empereur l’apprenait au monde.

Une fois de plus, la France tirait l’épée pour venir en aide à un peuple opprimé, ne demandant pour elle que la gloire qui s’attache aux nobles causes noblement défendues.