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— Madame, balbutia Pierre haletant et joignant les mains, je ne sais vraiment comment vous apprendre…

— Oh ! mon Dieu, mon Dieu, s’exclama la pauvre femme en tombant à genoux.

Et je n’essayerai pas, mes enfants, de vous décrire la scène d’affreux désespoir qui suivit. Je n’ai déjà été que trop souvent obligé, par les nécessités de mon récit, de vous initier à des tristesses qui ne sont pas de votre âge ; mais c’est que la guerre, dont j’essaye de vous montrer les divers aspects, traîne derrière elle des douleurs et des déchirements que son cortège de gloire ne parvient pas toujours à masquer.

Une heure après le récit, entrecoupé, de sanglots, de la fatale nouvelle, Mme Renucci était encore agenouillée au milieu de la pièce, serrant fiévreusement contre elle ses deux enfants en larmes, lorsque des coups violents ébranlèrent la porte d’entrée.

— Madame, vint dire un domestique, ce sont des Autrichiens, des soldats, ils veulent entrer.

— Cette visite est pour moi, madame, dit Pierre Bertigny ; veuillez ne pas vous en préoccuper : je vais la recevoir. Mais Francesco Renucci s’était levé et s’essuyant les yeux :

— Vous êtes notre ami, dit-il d’une voix qui alla droit au cœur de Pierre, notre ami le plus cher, bien que nous ne vous connaissions que depuis un instant ; ces gens-là viennent vous provoquer. Vous ne connaissez personne à Milan, permettez-moi d’être l’un de vos témoins ; le colonel Brignone, aide de camp du Roi, en ce moment ici, sera l’autre. Je ne doute pas de son acceptation et je vous l’amènerai dans une heure.

— Merci, répliqua Pierre ; ce détail était le seul qui m’embarrassât vraiment.

C’était en effet une provocation en règle que venaient adresser, au maréchal des logis de chasseurs d’Afrique, de la part du Croate, leur camarade, les deux sous-officiers autrichiens.

L’un appartenait aux chasseurs tyroliens et parlait à peu près le français ; l’autre servait dans un régiment de Honved.

Le Tyrolien expliqua :

Le duel devait avoir lieu au sabre, le jour même, à six heures du soir, dans un jardin retiré sur les bords de l’Olona.