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caractère du mépris pour l’autorité et du refus violent d’obéissance ; que ce crime a été frappé de peines redoutables dans tous les temps, déclarons qu’il tombe nettement sous le coup de l’article 223 ainsi conçu :

« Les voies de fait, exercées pendant le service ou à l’occasion du service, par un militaire envers son supérieur, sont punies de mort. »

Quand cette lecture fut terminée, un grand frisson passa dans la salle ; on eût entendu voler une mouche, et devant les yeux des nombreux soldats présents, à qui est faite fréquemment la lecture du Code militaire, passa la vision du poteau d’exécution.

Rien ne semblait devoir sauver Pierre Bertigny, car le fait brutal était là, patent, irréfragable ; les témoins allaient le certifier, l’accusé ne songeait pas à le nier : la loi ne permettait pas de l’absoudre.

— Vous avez entendu l’acte d’accusation ? demanda le Président d’une voix grave ; la loi vous donne le droit de dire tout ce qui est utile à votre défense. — Que répondez-vous ?

Pierre hocha la tête douloureusement et se tourna vers le commandant Cardignac. Que pouvait-il répondre ? Il regrettait, oh ! oui, il regrettait amèrement ! Il avait vu rouge, parce que la perte de ses galons c’était ce qu’il redoutait le plus au monde ; alors, oui, il était devenu fou de rage et il avait frappé.

— C’est tout ce que vous avez à dire ? demanda encore le Président.

— Oui, mon colonel, répondit Pierre.

Et le silence se fit plus pesant encore, car le cas se présentait sans atténuation possible : la propension à la colère n’ayant jamais été prise en considération pour diminuer la gravité d’un pareil crime.

C’était maintenant le tour des témoins ; le premier appelé fut Delnoue.

Lui aussi jeta sur le commandant Cardignac un long regard ; puis il commença sa déposition, et bientôt une émotion indicible s’empara de l’auditoire.

Car, avant d’arriver au point principal de sa déposition, il raconta tout ce qui avait amené et provoqué les voies de fait dont il avait été la victime par sa propre faute. Il raconta ses rancunes de La Flèche, et comment, en retrouvant Pierre sous ses ordres, il avait cédé lâchement au désir de les satisfaire.