« Bertigny est en cellule :. on lui a dit qu’il avait le droit de choisir un défenseur et il ne veut entendre parler que de vous ; si vous ne pouvez l’assister, il faudra lui en désigner un d’office.
« Je lui ai dit que je vous écrivais et j’ai deviné l’interrogation muette de son regard : « Viendra-t-il ? » car vous êtes pour lui un père et une Providence tout à la fois !…
« Venez vite, mon commandant !
En recevant cette lettre, Henri Cardignac fut atterré, et la joie de faire partie du corps expéditionnaire fit place chez lui à l’angoisse la plus poignante.
Que faire ? Renoncer à s’embarquer avec son escadron, céder ; sa place à un autre et courir, à Tours, pour remplir ce qu’il considérait comme un devoir.
Oui, il ne pouvait hésiter : ce malheureux qu’attendait le poteau d’exécution était son enfant adoptif, son œuvre à lui : il ne pouvait l’abandonner à une heure aussi terrible.
Il alla trouver le général d’Allonville, commandant la brigade, lui montra la lettre du capitaine Richard et lui exposa ses intentions.
— Je regrette vivement pour vous ce contre-temps au moment d’un départ en campagne, lui répondit le général ; mais je suis obligé de vous remplacer.
— L’escadron pourrait partir avec son capitaine commandant, hasarda Henri qui connaissait le caractère entier de son chef ; je ferai tout pour le rejoindre en Turquie, après la séance du conseil de guerre.
— L’ordre est que le chef d’escadrons parte en même temps pour se trouver là-bas quand arrivera le deuxième échelon : pouvez-vous me répondre d’y arriver quelques jours après ?
— Non, évidemment, mon général ; mais…
— Alors, il est inutile d’insister, je vous remplace… les candidats ne manquent pas.
La mort dans l’âme, Henri se retira, et le soir même s’embarquait pour la France.