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On était à la fin de l’automne 1853 ; et Jean dut quitter momentanément Paris pour s’en aller à Bourges, afin d’y surveiller la fabrication et les essais des premiers types de canons rayés. Ce fut là qu’il reçut son quatrième galon — le galon de commandant. Sa commission le maintenait hors cadre au service particulier de l’Empereur. Ce fut aussi pendant cette période d’études pratiques qu’un autre bonheur vint le surprendre, car, en février 1854, Dieu exauçait enfin son désir, un fils lui naissait !

Un fils ! quelle joie !

Et comme le grand-père, le colonel Cardignac en eût été fier, de ce petit enfant rose et blond, si impatiemment attendu !

On l’appela Georges.

— Un cavalier de plus ! avait dit son oncle Henri.

— Non : un artilleur ! avait répondu son père.

En quoi tous deux se trompaient, car le petit Georges ne devait être ni fantassin de l’armée de terre comme son grand-père le colonel Cardignac, ni artilleur comme son père, ni cavalier comme son oncle.

À la suite de l’héroïque défense de Bazeilles par l’Infanterie de marine, la division bleue comme l’appelèrent les Allemands, et de l’inoubliable impression qu’en avait rapportée son âme d’enfant — il assista à ce drame à l’âge de seize ans — il devait être marsouin.

Et vous pouvez remarquer qu’il fut bien inspiré en s’orientant vers l’infanterie de marine, car la longue période de paix qui suivit la guerre de 1870, fut jalonnée de nombreuses expéditions coloniales au Tonkin, au Soudan, au Dahomey, à Madagascar, et les marsouins allaient y accaparer la seule gloire possible, pendant que l’armée de terre continuerait à monter, devant la trouée des Vosges, sa garde fiévreuse et trop prolongée.

Quoi qu’il en soit, jamais bébé ne fit son entrée dans la vie au milieu de plus de souhaits de bonheur. Seul, Pierre Bertigny n’avait pu joindre les siens à ceux de ses parents adoptifs et vous connaîtrez au chapitre suivant les pénibles raisons qui l’en avaient empêché.

Aussi ce fut bien tristement qu’on parla de son absence : sa sœur non plus ne vint pas, car elle avait définitivement pris le voile et ne pouvait que rarement donner de ses nouvelles ; mais elle envoya au nouveau-né une belle médaille d’or portant son nom avec cette inscription : « Je prierai pour lui. »

Quant à la maman de Georges, en entendant proclamer déjà soldat ce