Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 2, 1899.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Jean Cardignac d’une part et Henri de l’autre durent intercéder pour lui et obtinrent son maintien au Prytanée ; mais avec privation totale des vacances annuelles.

Cette punition lui fut particulièrement sensible et pour cause.

En effet, son protecteur venait de quitter les cuirassiers pour être nommé écuyer à l’École de cavalerie de Saumur. C’est donc là que Pierre devait passer ses deux mois de congé.

Or, vous le savez déjà, Pierrot n’avait qu’un rêve, qu’un désir : entrer dans la cavalerie. Il avait pour le cheval une vraie passion ; passion qu’il n’avait pas été encore à même de satisfaire, et il avait compté qu’au cours de ces vacances-là, le capitaine lui donnerait ses premières leçons sérieuses d’équitation.

Il en aurait ainsi reçu les premiers principes de main de maître : car vous savez tous, mes enfants, que notre célèbre École de cavalerie de Saumur est non seulement sans rivale, mais sans égale au monde.

Tous ceux qui y ont été instructeurs s’en font gloire, et ils ont raison ; car ils peuvent se dire non seulement des cavaliers parfaits, ce qui est déjà fort beau, mais encore des dresseurs — ce qui est mieux. S’il est, en effet, fort joli de savoir bien manier un cheval tout dressé, combien est plus difficile et plus délicat le dressage même du jeune cheval et sa transformation en animal de service !

Cette courte explication vous fera comprendre que notre ami Henri était un cavalier hors de pair, puisqu’il avait été désigné comme écuyer à Saumur.

Il avait ainsi endossé son troisième uniforme ; il portait maintenant la tenue riche et sévère, noir et or, à aiguillettes, avec le petit chapeau dit : chapeau en bataille.

Pierrot, navré, dut donc rester à la Flèche et faire pénitence du mauvais tour joué, non seulement à son professeur, mais à la cane du Général.

Eh bien, vous n’allez peut-être pas me croire, mes enfants, mais c’est pourtant la vérité : Pierre n’en fut point corrigé !

Au reste, pour tout dire, le travail lui pesait, et une idée tenace prenait corps dans son esprit : il voulait à tout prix quitter l’École, ne plus se sentir enserré pendant des mois dans le même endroit, ne plus tourner constamment dans le même cercle.