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l’aimait beaucoup, et qui, approuvant sa détermination, le replaça aux spahis, sous les ordres de son ancien chef, Yusuf.

Ce fut pour Henri une grande joie de reprendre ses ardentes chevauchées d’autrefois. Il prit part à la délivrance de Mazagran, au combat de Teni-Salmet, à l’attaque de Mouazïa, toujours heureux, jamais blessé !

Il avait, dans son escadron, un tout jeune engagé volontaire, fils d’officier supérieur. Ce jeune spahi qui commençait lui aussi, à vingt ans, une carrière de bravoure et de gloire, devait devenir un jour général de division et ministre de la guerre. Il avait nom du Barail.

Il vit toujours mes enfants, et il faut souhaiter qu’il vive longtemps encore pour donner aux jeunes comme vous, par le récit des hauts faits de sa génération, le feu sacré qui a fait grande notre France et la maintiendra telle, en dépit des envieux ou des sceptiques.


On atteignit ainsi le mois d’octobre 1839.

Le régiment, retour d’expédition, était rentré dans son casernement de Blidah, pour se refaire au milieu des bois d’oliviers et d’orangers.

Jean Cardignac, qui venait, lui aussi, de passer capitaine, profitant d’une mission à Alger, avait poussé jusqu’à Blidah pour faire voir à Henri sa double épaulette d’or. Les deux frères se trouvaient donc momentanément réunis, lorsque Henri reçut du colonel, leur père, une longue lettre, qu’ils ne purent lire sans une profonde émotion.

Après les détails longuement donnés sur la famille et les petits Bertigny, le colonel terminait ainsi : « Maintenant que vous savez, mes enfants, que nous sommes tous d’aplomb, je vais vous annoncer une grande nouvelle : Je pars pour Sainte-Hélène. Je vais une dernière fois, avant de mourir, saluer l’Empereur.

« Je sens bien quel va être votre étonnement, mes enfants, et je vais de suite vous expliquer la cause de ce voyage, que j’entreprends aujourd’hui, après l’avoir depuis bien longtemps, et bien souvent, projeté. Vous ignorez peut-être que des négociations ont été entreprises avec l’Angleterre, pour que le corps du Grand Homme nous soit rendu. Elles étaient en bonne voie, et déjà je revoyais en imagination Celui qui fut tout pour moi, reposant aux bords de la Seine, suivant son dernier vœu.

« Il n’en est rien : on me dit que le léopard britannique hésite et veut