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— Dis : « Oui, mon colonel. »

— Oui, mon colonel.

— C’est très bien !… Alors, maintenant, tu es mon petit garçon ?

L’enfant hésita ; il considérait avec attention la mâle figure à moustaches blanches qui lui souriait.

— Tu ne réponds pas !… Tu ne veux donc pas être mon petit garçon ?

— Si, dit enfin le bambin ; seulement si monsieur le capitaine Cardignac reste avec nous.

— Ah ! fichtre, tu l’aimes donc bien ?

— Oh !… oui.

— Mais ce que tu demandes n’est guère possible : il faut qu’il retourne à son régiment.

— Ah !… murmura l’enfant en tournant vers son sauveur un regard désolé.

— Oui, petit Pierre, c’est mon devoir, dit Henri ; mais, continua-t-il, je reviendrai souvent pour t’embrasser… Et puis écoute : mon papa à moi n’a plus de petit garçon puisque je suis obligé de retourner là-bas, aussi je veux que tu me remplaces auprès de lui. Tu ne peux pas me refuser cela, dis, Pierrot ?

— Si c’est comme cela, je veux bien, soupira le petit garçon. Mais vous me promettez de venir nous voir.

— Certes, il viendra, reprit le colonel, et, en l’attendant, je t’apprendrai à devenir un vrai soldat… comme lui.

— Ah ! oui ! oui !… Je veux bien !

Pierre prononça ces mots si sincèrement que le colonel sourit, l’enleva, le mit sur ses genoux et l’embrassa sur les deux joues.

La glace était rompue : les deux enfants avaient une famille.


Henri, sa mission remplie et son congé terminé, dut repartir. Il rejoignit non plus Constantine, mais Alger.

Le jeune capitaine était en effet chargé, par le ministre de la guerre, d’importantes dépêches pour le nouveau Gouverneur général, lequel n’était autre que le général Valée lui-même, qui, en récompense de la prise de Constantine, venait d’être élevé au maréchalat.

Notre ami se trouvait maintenu à l’état-major du Maréchal, pendant que son frère Jean restait, comme lieutenant, auprès de Bugeaud.