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Or, dans la précipitation de ce départ, on n’avait rien emporté ; on n’avait songé qu’à mettre à l’abri la reine et sa famille.

Et le petit prince pleurait.

On fit arrêter la voiture, et dans l’écuelle grossière d’un paysan, l’enfant royal but un peu d’eau, tout en versant des larmes.

Il s’en est souvenu, et, plus tard, il s’est vengé, aidé qu’il fut par la fatalité et la trahison.

Ce petit prince, devenu l’Empereur Guillaume ier, est entré à son tour en France en 1870.


Et de même que le petit Wilhelm s’est rappelé 1806, vous, enfants de la France et toi mon petit Georges, souvenez-vous de 1870, l’année maudite que vous n’avez pas connue, mais dont vos pères eurent la funèbre vision, et dont ils portent encore le deuil à l’heure où j’écris.


À la fin de la journée, les derniers carrés prussiens, défoncés par la charge des cuirassiers du général d’Hautpoul, se replièrent dans un désordre indescriptible.

Iéna flambait !

Murat et ses cavaliers poursuivaient les fuyards jusque dans Weimar ; les routes étaient jonchées de sacs, de fusils, de shakos ; on voyait des convois entiers abandonnés sur les routes ; les conducteurs coupaient les traits à coups de sabre et s’enfuyaient devant nos dragons et nos hussards.

Nous avions fait quinze mille prisonniers et conquis deux cents pièces de canon.

Mais l’Empereur ne connaissait pas encore toute l’étendue de son succès.

Pendant qu’il battait ainsi à léna l’une des armées prussiennes, l’autre, commandée par le roi lui-même, était, après un sanglant combat, défaite à Auerstaedt, à quelques lieues de là, par le général Davout.

Donc, en cette journée du 14 octobre 1806, l’Empereur avait détruit cette fameuse armée prussienne, si remplie de morgue et de vanité ; et le soir, quand il visita le champ de bataille, l’enthousiasme était tel que les blessés, les mourants se redressaient sur son passage, pour l’acclamer encore et crier : « Vive l’empereur ! »

À partir de ce moment, ce fut une poursuite sans trêve pour les vaincus,