Page:Driant, Histoire d’une famille de soldats 1, 1901.djvu/311

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est de cette époque également que Napoléon interdit aux troupes la perruque et la queue ancien régime embarrassantes et difficiles à tenir propres. Lui-même avait déjà donné l’exemple en coupant ses longs cheveux noirs ; de là le surnom que lui donnèrent ses grenadiers, en l’appelant « le Petit Tondu ».

Déjà aussi Napoléon avait adopté pour lui-même cette tenue si simple, dans laquelle il est et demeurera légendaire : le petit chapeau et la redingote grise, sous laquelle il portait, de préférence, l’habit vert sombre des chasseurs de sa garde, avec le grand cordon de la Légion d’honneur.

Enfin, content de voir son armée si belle, il voulut distribuer lui-même à ses braves les croix, méritées par leurs services, à la place des armes d’honneur reçues jusqu’alors pour faits de guerre.

Cette splendide fête militaire eut lieu le 16 août 1804, devant le grandiose décor de la mer, et si vous allez quelque jour à Boulogne, on vous y montrera, entouré d’une grille, le tertre où s’élevait ce jour-là le trône impérial.

Tous les élus montaient les degrés de l’estrade devant l’armée entière rassemblée, et, une fois décorés, ils juraient de mourir pour l’Honneur et pour la Patrie française.

Notre ami, qui se trouvait être sur les contrôles le plus jeune des officiers de la garde, fut appelé le premier.

Le 9e régiment de ligne (l’ancienne 9e  demi-brigade) placé non loin de là, poussa des hourras frénétiques : dans Jean Tapin, en effet, le 9e se sentait lui-même honoré.

Ce fut un spectacle inoubliable ! Thiers, le superbe historien du Premier Empire, décrit ainsi la fin de cette journée[1] :

« Ce spectacle magnifique remua tous les cœurs, et une circonstance imprévue vint le rendre profondément sérieux. Une division de la flottille, récemment partie du Havre, entrait à ce moment à Boulogne, par un gros temps, échangeant une vive canonnade avec les Anglais. De temps en temps, Napoléon quittait le trône pour s’armer de sa lunette, et voir de ses yeux comment se comportaient, en présence de l’ennemi, ses soldats de terre et de mer. »

  1. Histoire de l’Empire, tome 1er , page 59. Librairie Furne.