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Bernadieu, ayant complété les explications préliminaires, Jean Tapin, sur l’ordre qui fut donné, serra les jambes, et le cheval partit au pas.

— Allons, ça va bien ! fit le colonel au bout de quelques minutes, essayons un peu du trot… pour voir.

Concentrant toute sa volonté, il exécuta les prescriptions que le maréchal des logis lui lançait à tue-tête ; et, ma foi ! s’il ne fut pas brillant pour ce coup d’essai, du moins s’en tira-t-il à son honneur.

— Eh bien ? lui demanda Bernadieu lorsque la leçon fut terminée, aimeras-tu monter à cheval ?

— Oh ! oui !

— Bien vrai ?

— Certainement, mon colonel. Seulement il est trop gros ce cheval-là. J’ai les jambes trop courtes ; je ne peux pas bien le serrer.

— Sans doute ; mais cela te donnera de l’assiette.

— De l’assiette ?

— Oui. Cela signifie : de l’aplomb, de l’équilibre.

— Ah ! bien.

Mais il ne faudra pas t’étonner d’avoir demain du bœuf à la mode.

— Du bœuf ?  !…

— Oui ! on nomme ainsi la courbature produite par l’équitation chez les débutants. On a les jambes et les reins un peu cassés, mais il ne faut pas y faire attention et monter quand même.

— Je veux bien.

— Parfait ! Demain nous recommencerons.

Six semaines plus tard, Jean était devenu très suffisamment solide à cheval. Comme il avait de plus donné toute satisfaction à son chef par son assiduité au travail, Bernadieu lui promit une surprise.

Elle fut vraiment belle, cette surprise, allez mes enfants ! Et Jean pleura de joie le jour où il endossa un joli costume de hussard que, sur l’ordre du colonel, Catherine lui avait commandé en cachette.

Mais ce n’était rien encore, que le costume ! Jean eut un cheval, un vrai cheval, tout petit, pour ainsi dire fait pour lui.

C’était un poney anglais, provenant des écuries de Trianon, et qui, trop petit pour être réquisitionné comme cheval de guerre, avait été vendu à un maquignon. C’est là que l’avait déniché Bernadieu.