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— Mais… articula-t-elle, hésitante et la voix troublée… Dis donc, Jean… pour les manger, il va falloir les tuer…, ça va leur faire du mal.

Ses yeux étaient tristes.

— Oui ! répondit Jean avec un soupir, oui ! ça leur fera du mal… pour sûr… Pauvres petits oiseaux !

Tous deux se regardèrent, silencieux. Enfin, Lisette, tout émue, déclara :

— Moi, vois-tu, je ne veux pas manger ces pauvres petits… j’en aurais trop de chagrin.

— Moi aussi !…

— Sais-tu, Jean… si on les lâchait ?

Déjà le petit garçon avait saisi le couvercle. Pourtant, il hésita.

— Tu le veux, Lisette ? dit-il… Tu dois avoir faim, pourtant !

— Oh oui !… mais nous avons du pain aujourd’hui ! Sans ajouter un mot, Jean ouvrit le panier. Les trois captifs s’envolèrent à tire d’ailes. Un bon sourire éclaira les visages de Jean et de Lison ; et sans rien se dire, très émus, presque avec une envie de pleurer, ils s’embrassèrent.

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— Eh bien, les gamins ! arrivez un peu par ici… Y a du nanan !

C’était la grosse voix joyeuse de Belle-Rose, dont la tête venait d’apparaître au coin de la charrette.

Lise et Jean s’approchèrent et virent, non sans étonnement, le géant qui brandissait à bout de bras un énorme chat qu’il tenait par la queue.

Près de lui, La Ramée riait silencieusement.

— Voilà ! reprit le tambour-maître ; nous revenons de la chasse et nous rapportons un gibier superlatif !… Ça vaut mieux qu’un lièvre, par le temps qui court… Vous m’en direz des nouvelles… c’est succulent !… superlativement succulent !

Jean fit une légère grimace.

— Qu’est-ce que c’est, clampin ?… tu fais le dégoûté ?

— Non, citoyen tambour-maître ! mais…

— Tu sauras, mon garçon, interrompit Belle-Rose, que le chat c’est un mets de prince, à Mayence surtout ! Et pour le surplus, tu en as peut-être mangé souvent pour du lapin… pas vrai, La Ramée ?