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la première des grandes batailles auxquelles assista
Jean Tapin


Ce grand mot de bataille, qui résonne comme un coup de clairon, évoque, j’en suis sûr, à vos yeux, mes enfants, des images de mêlées gigantesques, de flots humains roulant les uns contre les autres et s’entrechoquant avec fracas ; d’assauts héroïques livrés sous la poussée des musiques et les cris des chefs. En le lisant, ce mot, vous voyez en imagination des régiments de cavalerie se chargeant avec rage ; des pièces de canon emportées par des cohues de fantassins, accourant baïonnette haute ; des vaincus fuyant dans toutes les directions et poursuivis l’épée dans les reins.

Il est vrai que toutes les couleurs de ce tableau se retrouvent dans la plupart des batailles ; mais je suis bien forcé de vous dire qu’à Valmy on ne vit rien de tout cela.

Il n’y eut pas d’assaut, pas de mêlée, pas de charges de cavalerie ; il n’y eut ni retraite ni poursuite, attendu que les deux adversaires ne reculèrent ni l’un ni l’autre avant la fin de l’action.

Il n’y eut qu’une canonnade, mais une canonnade terrible, une canonnade comme on n’en avait jamais vu et comme on n’en devait revoir qu’aux grands jours du premier Empire, à la Moskowa, à Lutzen et à Leipzig.

Il y eut 20.000 coups de canon échangés, et les deux armées ne s’abordèrent point.

Mais ce qui fait de cette journée de Valmy une victoire pour l’armée française, c’est qu’elle resta inébranlable sous les boulets, inaccessible à la peur, et qu’elle en imposa, par sa fière contenance, à une armée qui se croyait sûre de vaincre.

Ce qui fit de Valmy une victoire à l’égal des plus belles, surtout par ses résultats, c’est qu’elle délivra la France de l’invasion ; c’est que Brunswick, après l’insolent manifeste par lequel il se déclarait prêt à châtier la nation française, n’osa pas attaquer Kellermann, et que, après cet aveu d’impuissance, il n’avait plus qu’à s’en aller, ce qu’il fit.

Retenez aussi cette date, mes enfants, parce que c’est d’elle que part l’époque d’indomptabilité (j’emploie à dessein ce mot d’un historien de l’époque) des armées françaises.