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« Je dois, en outre, continue-t-il, se rappelant la conversation de Dolokhoff avec Koutouzoff et sa dernière entrevue avec l’officier dégradé, signaler que le soldat Dolokhoff, officier dégradé, a fait prisonnier sous mes yeux un officier français, et s’est tout particulièrement distingué. » De Timokhine, de la déroute du régiment indifférent à sa belle voix, si terrible en temps de paix, pas un traître mot. C’est l’exploitation de la guerre qui commence. Tant pis pour l’absent. C’est le bavard et l’impudent qui sont les gagnants.

« C’est alors que j’ai assisté à l’attaque des hussards de Pavlograd », reprend Jerkoff, se mêlant à la conversation, après avoir regardé autour de lui avec inquiétude, car il n’avait pas vu un hussard de toute la journée et tenait la chose d’un officier d’infanterie. « Ils ont enfoncé deux carrés. »

Celui-ci n’a pas encore réussi à reprendre complètement son masque d’avant le combat. Il ment, c’est vrai, avec hardiesse et effronterie, mais il regarde auparavant autour de lui avec inquiétude, de peur que quelqu’un ne l’ait vu quand on l’a envoyé porter un ordre, et qu’il est resté en route bien loin du but de sa mission. Mais donnez-lui encore un peu de répit, et ses regards inquiets vont cesser. Et il commencera à vous raconter dans les moindres détails comment les hussards ont chargé les carrés, ont essuyé une salve, mais malgré cela ont pénétré, etc…

Entre Touchine, intimidé et confus comme toujours à la vue des grands chefs. Il trébuche dans la hampe d’un drapeau pris aux Français, ce qui fait rire des aides de camp de Bagration, Jerkoff tout le premier.

« Comment avez-vous laissé une pièce ? » demande Bagration en fronçant le sourcil, non pas tant à propos de sa question que des rires de son état-major. Touchine, qui a arrêté tout seul avec sa batterie, sans aucune coopération de l’infanterie ni de la cavalerie, l’attaque des Français au centre, « Touchine seulement maintenant, sous le regard du terrible commandant en chef, conçoit toute l’abomination de la faute qu’il a commise en perdant une pièce, et la honte d’y avoir survécu… » Il reste debout devant Bagration, avec un tremblement de la mâchoire inférieure, pouvant à peine articuler une excuse : « Je ne sais pas, V. E… ; je n’avais plus personne, V. E. » — « Vous ne pouviez donc pas en demander au soutien ! » (qui n’existait pas). Touchine n’ose