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le sud. En pareil lieu, un soir de dimanche, le courant de la circulation devait se porter tout entier du sud au nord, car c’est le moment où les Londoniens partis pour passer le week-end sur une plage s’en reviennent de la mer à la capitale, du plaisir au devoir. L’homme se redressa, écouta. Les mugissements de la trompe se renouvelèrent. Oui, c’était bien cela qu’il attendait. Le menton sur le volant, il essayait de percer des yeux la nuit noire. Soudain, il cracha sa cigarette et aspira l’air avec force. Deux petits cercles lumineux venaient de poindre à un coude encore lointain de la route. Ils s’évanouirent dans un creux, reparurent à une montée, redisparurent. Inerte jusque-là, le conducteur de l’auto drapée s’éveilla tout d’un coup à une vie intense. Il tira de sa poche un loup d’étoffe sombre, qu’il ajusta soigneusement à son visage, de façon à n’en pas avoir la vue gênée. Puis il démasqua, l’espace de quelques secondes, une lanterne portative à acétylène, inspecta d’un coup d’œil le camouflage de la voiture, posa près de lui sur le siège un pistolet Maüser, rabaissa un peu plus son chapeau, embraya, pressa la pédale d’accélération : un tressaillement secoua la voiture, elle rendit un cri étouffé, auquel succéda le halètement doux et puissant de la machine, bondit, et, de toute sa vitesse, se mit à dévaler la pente. Enfin, il éteignit ses phares. Devant lui, la route n’était plus qu’un ruban gris, à peine distinct entre les bruyères. L’auto qui venait à sa rencontre ne tarda pas de se faire réentendre. Elle était certainement d’un modèle ancien, car, engagée dans une montée à la troisième vitesse, elle soufflait, toussait, bafouillait, geignait, et son moteur rendait les battements d’un cœur malade. Ses feux plongèrent une dernière fois,