Page:Doyle - Un crime étrange.djvu/26

Cette page a été validée par deux contributeurs.

du même jour, ce fut le tour d’un bonhomme à cheveux gris, tout râpé, vrai type du brocanteur juif, qui paraissait en proie à une surexcitation extraordinaire. Presque aussitôt après, je vis entrer une vieille femme en savates. Un autre jour, ce fut un vieux monsieur à cheveux blancs et à l’air respectable, une autre fois encore un employé de chemin de fer reconnaissable à son uniforme de velours côtelé. Chaque fois qu’arrivait un de ces individus bizarres, Sherlock Holmes me demandait de lui abandonner le salon, et je me retirais alors dans ma chambre. D’ailleurs, il me faisait toujours force excuses pour le dérangement qu’il m’occasionnait ; « mais, disait-il, il faut bien que cette pièce me serve de cabinet d’affaires, et ces gens sont mes clients. » J’aurais pu profiter de cela pour l’interroger à brûle-point, si je n’avais éprouvé un certain scrupule à forcer ainsi ses confidences. J’en étais même arrivé à me figurer qu’il avait quelque bonne raison pour ne pas me mettre au courant de ses affaires, quand il prit soin de me détromper en abordant de lui-même le sujet qui m’intriguait tant.

Ce fut le 4 mars — j’ai des motifs sérieux pour me rappeler cette date d’une façon précise, — que m’étant levé un peu plus tôt que de coutume, je rejoignis Holmes dans le salon, avant qu’il eût fini son repas matinal. Notre propriétaire était déjà si bien au courant de mes habitudes que mon propre déjeuner