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Personne enfin ne consentirait à se surcharger le cerveau d’une foule de connaissances secondaires sans avoir, pour agir ainsi, les raisons les plus fortes. »

À côté de tout cela son ignorance en certaines choses était aussi remarquable que son savoir. En fait de littérature contemporaine, aussi bien qu’en philosophie ou en politique, il était nul, ou à peu près. Je me souviens qu’ayant cité un jour Thomas Carlyle devant lui, il me demanda de la façon la plus naïve quel nom je venais de prononcer là et ce que ce personnage avait bien pu faire. Mais le jour où ma surprise fut portée à son comble, ce fut celui où je découvris, par hasard, qu’il était parfaitement ignorant de la théorie de Copernic et qu’il ne connaissait même pas l’explication du système solaire. Qu’il y eût en plein xixe siècle, un être civilisé ne sachant pas que la terre tourne autour du soleil, cela me parut si extraordinaire que je ne pouvais y croire.

« Vous semblez étonné, me dit-il en souriant de mon air stupéfait. Mais soyez tranquille, maintenant que je le sais, je ferai tous mes efforts pour l’oublier.

— Pour l’oublier !

— Vous allez le comprendre. Dans le premier âge, le cerveau humain me représente un grenier vide, le devoir de chacun est de le meubler à son