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L’air vivifiant des montagnes, l’odeur balsamique des pins, suppléaient aux soins absents d’une mère. Chaque année la vit grandir et se fortifier, tandis que ses joues devenaient plus fraîches et plus roses, son pas plus ferme et plus élastique. Plus d’un passant, en suivant la route qui longeait la ferme de Ferrier, sentait son vieux cœur se réchauffer à des pensées qu’il croyait endormies depuis longtemps, soit qu’il vît cette silhouette élégante trottiner dans les champs, soit qu’il rencontrât la jeune fille maniant avec l’aisance et la grâce d’une vraie fille de l’Ouest, le cheval encore presque indompté de son père. C’est ainsi que le bouton de rose s’épanouit en fleur charmante et l’année même où le père put se considérer comme le plus riche colon du pays, la fille offrait de son côté le spécimen de la jeune Américaine la plus accomplie qu’il fût possible de rencontrer d’une mer à l’autre.

Le vieux Ferrier ne fut pas le premier à s’apercevoir de cette transformation ; c’est du reste l’habitude des pères. Le changement mystérieux qui s’opère ainsi à un moment donné est trop subtil et trop progressif pour qu’on puisse lui assigner des dates. La jeune fille elle-même est la dernière à s’en rendre compte, jusqu’au jour où un son de voix ému, où le frémissement d’une main dans la sienne, font battre son cœur et lui révèlent enfin que des sensations nouvelles et plus fortes vont s’éveiller en