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64        NOUVELLES AVENTURES DE SHERLOCK HOLMES

sa tête dans ses mains fines et pâles, je suis désespéré : tel le malheureux lapin qu’un serpent chercherait à enlacer. Je me sens poursuivi par une invincible et inexorable fatalité, capable de déjouer tous nos efforts.

— Ah bah ! s’écria Holmes. Il faut agir, mon cher, ou vous êtes perdu. L’énergie seule peut vous tirer de là et ce n’est pas le moment de désespérer.

— J’ai consulté la police.

— Ah ! Eh bien ?

— Ils ont écouté mon histoire en souriant. L’inspecteur s’imagine sans doute que ces lettres sont des plaisanteries, que la mort successive de mes parents est le résultat d’accidents, comme le jury l’a déclaré, et qu’elle n’a rien de commun avec ces histoires mystérieuses.

Holmes agita en l’air ses poings fermés, en criant :

— Oh ! stupidité incroyable !

— Pourtant ils m’ont octroyé un policeman pour garder la maison avec moi.

— Est-il venu avec vous cette nuit ?

— Non ; car il avait l’ordre de rester dans la maison.

Holmes gesticula encore.

— Pourquoi êtes-vous venu me trouver ? mais surtout, pourquoi n’êtes-vous pas venu plus tôt ?

— Je ne vous connaissais pas. C’est aujourd’hui seulement que j’ai fait part de mon effroi au major Prendergast ; et c’est lui qui m’a conseillé d’aller vous voir.

— Voilà déjà deux jours que vous avez la lettre. Vous deviez venir avant. Vous n’avez aucune autre preuve, je suppose, que celle que vous venez de m’exposer ; aucun autre détail qui puisse nous mettre sur la voie ?

— Si, j’ai autre chose, dit John Openshaw.

Et ce disant, il fouilla dans sa veste et en sortit un bout de papier bleu décoloré qu’il posa sur la table.

— Je me souviens vaguement avoir remarqué, ajouta-t-il, le jour où mon oncle brûla ses papiers, que les bords des papiers non consumés qui se trouvaient parmi les cendres, avaient la même couleur que celui-ci. J’ai trouvé cette seule feuille sur le parquet de sa chambre et je suis porté à croire qu’elle a voltigé loin des autres, échappant ainsi à leur destruction. Sauf que cette feuille mentionne les pépins d’orange, je ne vois pas qu’elle soit un indice important ; je pense que c’est une page de quelque agenda ; en tout cas, c’est bien l’écriture de mon oncle.

Holmes déplaça la lampe et tous deux nous nous penchâmes sur la feuille de papier dont les bords écornés indiquaient qu’elle avait été arrachée d’un livre.

En tête, on lisait : « Mars 1869 », et en bas, ces notes énigmatiques :

« Le 4 : Hudson est arrivé. Rien de changé.

« Le 7, envoyé les pépins à Mac Caulay à Paramore et à John Swain de Saint-Augustin.

« Le 9, Mac Caulay disparaît.

« Le 10, John Swain disparaît.

« Le 12, visite à Paramore. Tout va bien. »

— Merci, dit Holmes, repliant le papier et le rendant au visiteur. Maintenant vous n’avez pas un instant à perdre : allez chez vous et agissez au plus vite.

— Mais que faire ?

— Une seule chose, et immédiatement : vous allez mettre cette feuille de papier dans la boîte en cuivre dont vous m’avez parlé ; vous y joindrez une note spécifiant, dans des termes formels, que votre oncle a brûlé tous les autres papiers sauf celui-là. Ensuite, vous placerez la boîte sur le cadran solaire. Me comprenez-vous ?

— Parfaitement.

— Pour le moment, ne pensez ni à la vengeance ni à autre chose de semblable. Nous y arriverons par les moyens légaux ; nous avons à tendre notre filet tandis que le leur est tout prêt. La première chose à faire est d’écarter le danger qui vous menace ; ensuite nous éclaircirons le mystère, en punissant les coupables.

— Merci, dit le jeune homme, en se levant et en remettant son pardessus ; vous m’avez ramené à la vie et à l’espérance et je vais suivre vos conseils.

— Ne perdez pas un instant, et surtout veillez sur votre sécurité car vous êtes certainement menacé par un réel et