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LA NOUVELLE CHRONIQUE

— Merveilleux ! m’écriai-je.

— Jusque-là, je ne risquais pas beaucoup de m’égarer. Cependant, votre pensée revenant à Beecher, vous vous êtes mis à considérer l’image avec une attention extrême, comme pour étudier le caractère dans les traits. Au bout d’un moment, vous avez cessé de cligner des yeux, mais la direction de votre regard restait la même, votre visage était songeur. Vous vous rappeliez les incidents de la carrière de Beecher, et je savais, dès lors, que vous ne pouviez pas ne pas penser à la mission qu’il accomplit pour les Nordistes lors de la guerre de Sécession ; car je me rappelle vous avoir entendu exprimer l’indignation la plus vive de l’accueil que lui avaient fait chez nous certains esprits turbulents. Vos sentiments étant tels sur ce chapitre, vous deviez fatalement vous y arrêter en pensant à Beecher. Lorsqu’un instant après, vos yeux se sont détachés de la gravure, j’ai présumé que votre esprit venait de se tourner vers la guerre de Sécession elle-même ; j’ai vu vos lèvres se durcir, vos yeux jeter des flammes, vos poings se serrer ; évidemment, vous songiez à la bravoure déployée de part et d’autre au cours de cette lutte désespérée. Votre visage s’est de nouveau assombri, vous avez hoché la tête. Vous méditiez sur la tristesse, l’horreur et l’inutilité de pareils carnages. Vous avez machinalement porté la main à votre ancienne blessure, un sourire a tremblé sur votre bouche, votre esprit venait de concevoir l’absurdité de régler ainsi les questions internationales. Je convins avec vous de cette absurdité, et m’applaudis de constater que toutes mes déductions étaient exactes.

— De point en point, dis-je. Et j’ajoute, en toute franchise, que vos explications n’ôtent rien à mon étonnement.