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LA NOUVELLE CHRONIQUE

Il régnait dans le salon une atmosphère accablante, qui eût été plus intolérable encore si la domestique, entrée la première, n’avait aussitôt levé le châssis de la fenêtre. Cela pouvait être dû en partie à ce que, sur la table, brûlait une lampe fumeuse. Près de la table, le mort était assis dans son fauteuil, à la renverse, sa mince barbe projetée en avant, ses lunettes relevées sur le front, son maigre visage brun tourné vers la fenêtre et présentant la même expression de terreur qui avait bouleversé les traits de sa sœur défunte. Ses membres étaient contractés, ses doigts crispés, comme s’il était mort dans un paroxysme d’épouvante. Il était complètement vêtu, bien qu’à certains signes on pût reconnaître qu’il s’était habillé à la hâte. Nous savions déjà qu’il avait dormi dans son lit et que, partant, sa fin tragique ne remontait qu’aux premières heures du matin.

Pour se rendre compte de l’énergie ardente que dissimulait le flegme extérieur d’Holmes, il aurait suffi de voir le changement soudain qui se fit chez lui quand il entra dans le salon. Instantanément, il se tendit, se concentra ; ses yeux brillèrent dans sa face immobile ; à travers tous ses membres courut un frisson d’activité passionnée. Il sortit, alla examiner la pelouse, rentra par la fenêtre, fit le tour de la pièce, monta dans la chambre à coucher : tout cela, du train d’un chien de chasse explorant un couvert. Après avoir rapidement parcouru la chambre, il ouvrit toute grande la fenêtre, ce qui eut pour effet visible de redoubler son excitation, car il se pencha sur l’appui en jetant des exclamations d’étonnement et de plaisir. Puis il se précipita dans l’escalier, enjamba la fenêtre du salon, s’étendit sur le gazon à plat ventre, rebondit dans la pièce, toujours avec l’entrain du chasseur près de for-