Page:Doyle - La nouvelle chronique de Sherlock Holmes, trad Labat, 1929.djvu/244

Cette page a été validée par deux contributeurs.
244
LA NOUVELLE CHRONIQUE

Von Bork s’assit à son bureau, griffonna un chèque, détacha la feuille de son carnet ; mais au moment de s’en séparer :

— Après tout, monsieur Altamont, dit-il, dans les termes où nous sommes, je ne vois pas pourquoi je vous ferais plus de crédit que vous ne m’en faites.

Et il ajouta, lorgnant de côté l’Américain :

— Vous me comprenez ? Voici le chèque sur la table. Je demande à examiner le livre avant que vous n’ayez l’argent.

L’Américain, sans dire un mot, lui passa le paquet.

Von Bork dénoua la ficelle, défit une double enveloppe, et demeura une minute immobile, muet de stupeur, les yeux écarquillés.

Devant lui était posé un petit volume sur la couverture duquel se lisait en lettres d’or : Traité pratique de l’élevage des abeilles.

Le maître espion n’eut pas le temps de s’attarder dans la contemplation de ce titre incongru : soudain une poigne de fer l’agrippait derrière le cou, sur son visage s’appliquait une éponge de chloroforme.

— Un autre verre, Watson ? dit Sherlock Holmes, en penchant le poudreux flacon de tokay impérial. Buvons au jour fortuné qui nous rend l’un à l’autre !

Assis devant la table, le robuste chauffeur s’empressa de tendre son verre. Et quand il eut fait raison de tout cœur à celui qui l’y conviait :

— Un bon vin, Holmes, dit-il.

— Un vin remarquable, Watson. Notre ami que voilà, en train de ronfler sur le divan, m’a certifié qu’il provenait de la cave même de François-Joseph à Schoenbrunn. Puis-je vous demander d’ouvrir la fenêtre ? Les vapeurs du chloroforme n’aident pas à la sensibilité du palais.