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LA NOUVELLE CHRONIQUE

attendant au cottage. Ni Holmes ni moi n’eûmes besoin qu’il se nommât : ce corps gigantesque, ce visage tourmenté et balafré, cette tête grisonnante qui effleurait presque notre plafond, cette barbe dorée sur les bords et blanche près des lèvres, sauf à la place que roussissait un éternel cigare, tout cela, qui était aussi connu à Londres qu’en Afrique, ne pouvait dénoncer que la personnalité redoutable du docteur Léon Sterndale, le grand chasseur de lions, le célèbre explorateur.

On nous avait signalé sa présence dans le pays ; nous avions même, une ou deux fois, entrevu sa haute silhouette dans les chemins de la lande, mais il ne nous avait point fait d’avances, et jamais nous n’avions songé à lui en faire, car on savait qu’il était d’humeur sauvage et qu’entre deux voyages il passait la majeure partie de son temps dans un petit bungalow enfoui sous les futaies solitaires de Beauchamp Arriance ; là, parmi ses livres et ses cartes, il menait une vie recluse, pourvoyant lui-même à ses besoins, qui étaient simples, et ne paraissant guère prêter d’attention aux affaires d’autrui. De là ma surprise en l’entendant demander à Holmes, d’une voix fiévreuse, s’il avait fait quelques progrès dans la reconstitution de l’affaire qui nous intriguait.

— La police locale s’y perd, dit-il, mais peut-être votre grande expérience vous aura-t-elle suggéré une interprétation admissible. Mon seul titre à votre confiance, c’est qu’à la faveur de mes nombreux séjours ici j’ai très bien connu cette famille Tregennis, à laquelle me rattachent, du côté de ma mère, des liens de cousinage ; et le coup étrange qui s’est abattu sur elle a péniblement retenti en moi. Je vous avouerai qu’étant déjà à Plymouth, dans l’intention de me rem-