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DE SHERLOCK HOLMES

fixe ni un ami. C’est la plus inoffensive et, souvent, la plus utile des créatures, mais elle incite fatalement au crime. Elle est sans défense. Elle est nomade. Elle a des moyens suffisants pour s’en aller d’un pays dans un autre et d’hôtel en hôtel. On ne sait presque jamais où la retrouver dans le dédale des pensions de famille. Imaginez une poule hors de sa basse-cour, en un monde de renards : vient-elle à être croquée, personne ne s’en avise. Je crains fort qu’il ne soit arrivé quelque fâcheuse aventure à lady Frances Carfax.

Je respirai quand Holmes quitta les hauteurs de la généralisation pour venir au cas d’espèce. Tout en consultant ses notes :

— Lady Frances, continua-t-il, est l’unique survivante, en ligne directe, de la famille du feu comte de Rufton. Les biens du comte, si vous vous en souvenez, passèrent dans la ligne mâle. Elle resta donc sans grandes ressources. Mais elle possédait quelques vieux bijoux espagnols en argent, très remarquables, et des diamants curieusement taillés. Tel était son attachement pour ces objets que, plutôt que de les mettre en dépôt chez son banquier, elle les traînait partout avec elle. Figure émouvante que cette lady Frances : belle, à peine dans la maturité de l’âge, et, néanmoins, par une étrange fortune, épave solitaire de ce qui était, il y a vingt ans, une grande maison.

— Qu’est-ce donc qui lui arrive ?

— Ah ! oui, qu’arrive-t-il à lady Frances ? Est-elle vivante ou morte ? Voilà le problème. On lui sait des habitudes précises. Depuis quatre ans, elle écrivait invariablement toutes les deux semaines à miss Dobney, sa vieille gouvernante, qui vit dans la retraite à Camberwell. Cette miss Dobney est venue me consulter. Il y aura tantôt cinq semaines qu’elle n’a reçu