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genre d’humour, dont il sied que je me garde. En traitant Moriarty de criminel, vous le diffamez aux yeux de la loi. Chose merveilleuse. Jamais homme ne sut mieux concevoir un plan, organiser une machination diabolique. Il est le cerveau de tout un monde souterrain, ténébreux ; un pareil esprit eût pu faire ou défaire la destinée des peuples. Mais il encourt si peu le soupçon, il défie si bien la critique, il se conduit et s’efface de telle sorte que ce serait assez des quelques mots que vous venez de prononcer pour qu’il vous traînât devant la cour d’assises et qu’il en obtînt, à titre de dommages-intérêts, un an de vos revenus. N’est-il pas l’auteur célèbre des Dynamiques de l’Astéroïde, ce livre dont on a dit, tant il plane haut dans les régions des pures mathématiques, que la presse scientifique n’a pas un écrivain capable d’en rendre compte ? Est-ce là un homme à traiter comme vous le faites ? Vous joueriez le rôle du médecin qui extravague, et lui du professeur que l’on calomnie : connaissez mieux le génie, Watson. N’empêche que, si je n’ai pas trop à m’occuper de moindres personnages, notre jour viendra.

— Puissé-je vivre assez pour le voir ! m’exclamai-je dévotement. Mais vous parliez de Porlock ?

— Ah ! oui. Porlock, ou le soi-disant Porlock, est un anneau de la chaîne qui va jusqu’à Moriarty. Entre nous, cet anneau, assez éloigné du point d’attache de la chaîne, n’est