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commerce. Si je quitte la société, on me tuera ; et que deviendront ma femme, mes enfants ? Ah ! c’est terrible, voyez-vous, terrible ! »

Morris plongea sa tête dans ses mains, et des sanglots convulsifs le secouèrent.

« J’avais, reprit-il, une conscience, une religion ; mais on a fait de moi un criminel. On me désigna pour une expédition. Je savais ce qu’il adviendrait de moi si je reculais. Peut-être suis-je un lâche… Peut-être la pensée de ma pauvre petite femme et de mes enfants me décida-t-elle… Je marchai. C’est un souvenir qui me hantera toujours. Nous gagnâmes, à vingt-cinq milles d’ici, une maison solitaire, sur les hauteurs. Je fus, comme vous hier, chargé de garder la porte. On n’avait pas confiance en moi pour une mission plus active. Les autres entrèrent. En ressortant, ils avaient les mains rouges jusqu’aux poignets. Au moment où nous repartîmes, un enfant poussait de grands cris dans la maison derrière nous. C’était un enfant de cinq ans qui avait vu assassiner son père. Je faillis m’évanouir d’horreur. Et pourtant, je devais faire le fier, sourire, si je ne voulais point qu’à leur prochaine expédition les meurtriers sortissent de chez moi avec les mains ensanglantées, pendant que mon petit Fred gémirait sur mon cadavre. Mais quoi ! j’étais tout de même un criminel, complice d’autres criminels, perdu dans ce monde et dans l’autre. J’appartiens à la foi catholique ; mais le prêtre refusa de