Page:Doyle - La Vallée de la peur.djvu/120

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mais j’ai l’œil prompt, et je le reconnus à la seconde. De tous mes ennemis, celui-là était le pire : il me traquait depuis des années, comme un loup affamé le caribou. Je rentrai chez moi, prêt à toute éventualité, ne doutant pas qu’au surplus elle ne tournât à mon avantage. Il y eut un temps où ma chance était proverbiale aux États-Unis : je continuai d’avoir foi en elle.

« Je restai toute la journée sur mes gardes, je ne m’aventurai pas une fois dans le parc ; je risquais trop d’y recevoir à l’improviste une volée de chevrotines. Quand on eut remonté le pont, je cessai de m’inquiéter. C’était ainsi chaque soir : je me sentais à ce moment-là plus rassuré. Je n’aurais jamais imaginé qu’on s’introduisît dans la maison et qu’on m’y attendît. Mais lorsque, ayant passé ma robe de chambre, je fis ma ronde habituelle, je ne fus pas plus tôt entré dans le cabinet de travail que je flairai le danger. Chez un homme qui a, du danger, une expérience aussi longue que la mienne, il y a, je présume, une sorte de sixième sens avertisseur. Je ne saurais dire à quoi je reconnus l’avertissement ; mais, l’instant d’après, je vis la pointe d’un soulier passer sous le rideau de la fenêtre : il ne m’en fallait pas davantage.

« Je n’avais que ma bougie pour m’éclairer, mais par la porte ouverte la lampe du hall répandait une vive lueur dans la pièce. Je posai la bougie, et, d’un bond, je saisis un