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Comme j’ai bien gardé le souvenir de son retour à la maison !

Bien qu’il y ait de cela quarante-huit ans aujourd’hui, je le vois plus distinctement que les incidents de la semaine dernière, car la mémoire du vieillard est comme des lunettes, où l’on voit nettement les objets éloignés et confusément ceux qui sont tout près.

Ma mère avait été prise de tremblements dès qu’arriva à nos oreilles le bruit des préliminaires, car elle savait qu’il pouvait venir aussi vite que sa lettre.

Elle parla peu, mais elle me rendit la vie bien triste par ses continuelles exhortations à me tenir bien propre, bien mis. Et au moindre bruit de roues, ses regards se tournaient vers la porte, et ses mains allaient lisser sa jolie chevelure noire.

Elle avait brodé un « Soyez le bienvenu » en lettres blanches sur fond bleu, entre deux ancres rouges ; elle le destinait à le suspendre entre les deux massifs de lauriers qui flanquaient la porte du cottage.

Il n’était pas encore sorti de la Méditerranée que ce travail était achevé. Tous les matins, elle allait voir s’il était monté et prêt à être accroché.

Mais il s’écoula un délai pénible avant la ratification de la paix et ce ne fut qu’en avril de l’année suivante qu’arriva le grand jour.

Il avait plu tout le matin, je m’en souviens. Une fine pluie de printemps avait fait monter de la terre brune un riche parfum et avait fouetté de sa douce chanson les noyers en bourgeons derrière notre cottage.

Le soleil s’était montré dans l’après-midi.

J’étais descendu avec ma ligne à pêche, car j’avais promis à Jim de l’accompagner au ruisseau du moulin, quand tout à coup, j’aperçus devant la porte une chaise de poste et deux chevaux fumants.