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des lampes à huile de la rampe et des oranges du parterre. Mais vous êtes triste, Jim.

— C’est que je pensais à cette pauvre femme et à son enfant.

— Tut ! N’y songez plus. J’aurai tôt fait de l’effacer de votre esprit. Voici miss Priscilla Boute en train dans la Partie de saute-mouton. Il faut vous figurer que la mère parle et que c’est cette effrontée petite dinde qui lui riposte.

Et elle se mit à jouer une pièce à deux personnages, alternant si exactement les deux intonations et les attitudes, que nous nous figurions avoir réellement deux êtres distincts devant nous, la mère, vieille dame austère, qui tenait la main en cornet acoustique et sa fille évaporée toujours en l’air.

Sa vaste personne se remuait avec une agilité surprenante.

Elle agitait la tête et faisait la moue en lançant ses répliques à la vieille personne courbée qui les recevait.

Jim et moi, nous ne pensions guère à nos pleurs et nous nous tenions les côtes de rire, avant qu’elle eût fini.

— Voilà qui va mieux, dit-elle, en souriant de nos éclats de rire. Je ne tenais pas à vous renvoyer à Friar’s Oak avec des mines allongées, car peut-être on ne vous laisserait pas revenir.

Elle disparut dans son armoire et revint avec une bouteille et un verre qu’elle posa sur la table.

— Vous êtes trop jeunes pour les liqueurs fortes, dit-elle, mais cela me dessèche la bouche de parler…

Ce fut alors que Jim fit une chose extraordinaire.

Il se leva de sa chaise et mit la main sur la bouteille en disant :

— N’y touchez pas.