Page:Doyle - Jim Harrison, Boxeur, trad Savine, 1910.djvu/55

Cette page a été validée par deux contributeurs.

coquette que je n’avais jamais rien vu de si parfait.

Elle tenait des deux mains un bouquet de fleurs et il y en avait un second sur les planches du parquet où elle était debout.

— Ah ! c’est la plus jolie ? dit-elle en riant. Eh bien ! avancez-vous, nous allons lire ce qui est écrit au bas.

Je fis ce qu’elle me demandait et je lus : « Miss Hinton, dans son rôle de Peggy dans la Mariée de Campagne, joué à son bénéfice au théâtre de Haymarket le 14 septembre 1782. »

— C’est une actrice ? dis-je.

— Oh ! le vilain petit insolent et de quel ton il dit cela ! dit-elle. Comme si une actrice ne valait pas une autre femme ! Il n’y a pas longtemps — c’était tout juste l’autre jour — le duc de Clarence, qui pourrait parfaitement s’appeler le roi d’Angleterre, a épousé mistress Jordan, qui n’est, elle aussi, qu’une actrice. Et cette personne-ci, qui est-elle, à votre avis ?

Elle se plaça au-dessous du portrait, les bras croisés sur sa vaste poitrine, nous regardant tour à tour de ses gros yeux noirs.

— Eh bien ! où avez-vous les yeux ? dit-elle enfin. C’était moi qui étais miss Polly Hinton du théâtre de Haymarket et peut-être n’avez-vous jamais entendu ce nom ?

Nous fûmes obligés d’avouer qu’en effet, nous l’ignorions.

Et ce seul mot d’actrice avait excité en nous une sensation de vague horreur, bien naturelle chez des garçons élevés à la campagne.

Pour nous, les acteurs formaient une classe à part, qu’il fallait désigner par allusions sans la nommer, et la colère du Tout-Puissant était suspendue sur leur tête comme un nuage chargé de foudre.