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jim harrison, boxeur

plein de bienveillance, et bientôt, il posa sur mon épaule sa petite main brune.

— Je crois pouvoir dire que vous marcherez très bien. Je vois que vous êtes de bonne étoffe. Mais ne vous imaginez pas entrer dans un service facile, jeune gentleman, quand vous entrez dans le service de Sa Majesté. C’est une profession pénible. Vous entendez parler du petit nombre qui réussit, mais que savez-vous de centaines d’autres qui n’arrivent pas à faire leur chemin ? Voyez combien j’ai eu de chance. Sur deux cents qui étaient avec moi à l’expédition de San Juan, cent quarante-cinq sont morts en une seule nuit. J’ai pris part à cent quatre-vingts engagements, et comme vous voyez, j’ai perdu un œil et un bras sans compter d’autres graves blessures. La chance m’a permis de passer à travers tout cela, et maintenant, je bats pavillon amiral, mais je me rappelle plus d’un honnête homme qui me valait et qui n’a point percé.

— Oui, reprit-il, comme la dame se répandait en protestations loquaces, bien des gens, bien des gens qui me valaient sont devenus la proie des requins et des crabes de terre. Mais c’est un marin sans valeur que celui qui ne se risque pas chaque jour, et nos existences à tous sont dans la main de celui qui connaît parfaitement l’heure où il nous la redemandera.

Pendant un instant, le sérieux de son regard, le ton religieux de sa voix nous firent entrevoir peut-être les profondeurs du vrai Nelson, l’homme des contes orientaux, imbu de ce viril puritanisme qui fit surgir de cette région, les Côtes de fer, ceux qui devaient façonner le cœur de l’Angleterre et les Pères Pèlerins qui devaient le propager au dehors.

C’était là le Nelson qui affirmait avoir vu la main de Dieu s’appesantir sur les Français et qui s’agenouillait