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jim harrison, boxeur

Comment décrire tout ce que nous vîmes, tout ce que nous fîmes dans cette charmante journée de printemps ?

Pour moi, il me semblait que j’étais transporté dans un monde féerique et mon oncle m’apparaissait comme un bienveillant magicien en habit à large col et à longues basques qui m’en faisait les honneurs.

Il me montra les rues du West-End, avec leurs belles voitures, leurs dames aux toilettes de couleurs gaies, les hommes en habit de couleur sombre, tout ce monde se croisant, allant, venant d’un pas pressé, se croisant encore comme des fourmis dont vous auriez bouleversé le nid d’un coup de canne.

Jamais mon imagination n’aurait pu concevoir ces rangées infinies de maisons et ce flot incessant de vies qui roulait entre elles.

Puis, nous descendîmes par le Strand où la cohue était plus dense encore. Nous franchîmes enfin Temple Bar, pénétrant ainsi dans la Cité, bien que mon oncle me priât de n’en parler à personne : il ne tenait pas à ce que cela fût su dans le public.

Là je vis la Bourse et la Banque et le café Lloyd avec ses négociants en habits bruns, aux figures âpres, les employés toujours pressés, les énormes chevaux et les voituriers actifs.

C’était un monde bien différent de celui que nous avions quitté, celui du West-End, le monde de l’énergie et de la force, où le désœuvré et l’inutile n’eussent pas trouvé place.

Malgré mon jeune âge, je compris que la puissance de la Grande-Bretagne était là, dans cette forêt de navires marchands, dans les ballots que l’on montait par les fenêtres des magasins, dans ces chariots chargés qui grondaient sur les pavés de galets.