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LE COMIQUE ; LA REPRESENTATION.


burlesques. « Vous avez bien ri en voyant la Vie de Louis Eunius », dit le Prologue de la seconde Journée ; et le Prologue de la Vie de saint Patrice reconnaît que cette pièce n’est pas encore à leur gré parce qu’elle ne contient pas de farces divertissantes tt). Cette bouffonnerie, élément essentiel des mystères bretons, s’exprime volontiers par le mot propre. H. de la Villemarqué ne connaissait point le Mystère de Louis Eunius lorsqu’il écrivait dans son Introduction au Grand Mystère de Jésus : « Les maîtres de la scène bretonne auraient cru manquer de respect au divin sujet de leur inspiration dramatique en souillant l’oreille de leurs auditeurs par des expressions dont le parfait naturel ne rachetait nullement l’indécence(î)... C’est guidée par le même instinct de pudeur que la muse rustique des Bretons n’a jamais proféré de ces mots(3) qu’il ne faut pas entendre(4). » Renan ne l’avait sans doute point lu quand il caractérisait ainsi la race celtique : « Elle [la race celtique] ne connaît pas ce singulier oubli de la condition humaine et de ses destinées qu’on appelle la gaieté... l’infinie délicatesse de sentiment qui caractérise la race celtique est étroitement liée à son besoin de concentration... nulle autre n’a conçu avec plus de délicatesse l’idéal de la femme et n’en a été plus dominée... jamais peuple ne fut d’ailleurs plus sobre et plus détaché de toute sensualité(5). » Et pourtant, par une coïncidence singulière, dans la première lettre que Luzel adressa à Renan en 1858, il est surtout question du Purgatoire de saint Patrice <•>. La tragédie de Louis Eunius est une de celles qui furent le plus souvent représentées. L’état dans lequel nous est parvenu le texte primitif, que l’on s’efforce de le restituer d’après A ou de le découvrir dans C, montre assez par combien de bouches et de mains dut passer l’histoire orale ou écrite du grand pécheur.

La représentation.

Rien ne ressemblait moins à la représentation d’une tragédie française que la mise en scène d’un mystère breton. Les prologues, les épilogues, les jeux de scènes en sont les caractéristiques les plus curieuses. Le ms. 45 contient le prologue de la seconde journée, et le ms. 39 le prologue du premier acte ; l’imprimé C les fl) Voir ci-dessous v. 1691. Dunn, La Vie de saint Patrice, p. 176, v. 132. (2) Voir vers 168, 1271, 3001.

(3) Voir vers 160, 568, 712, 850.

(4) H. de la Villemarqué, Le Grand mystère de Jésus, 2e édition, p. xcix. (5) Essais de morale et de critique, p. 384, 385, 386. (6) A. Le Braz, Essai sur l’histoire du Théâtre celtique, p. 340. J’ai lu le brouillon de cette lettre qui appartient maintenant à A. Le Braz.