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BRULLÀUGHAN, FROISSART.


D. Brullaughan, publia un traité du Purgatoire de saint Patrice (1). Pourtant, dès la fin du XIVe siècle, le Purgatoire de saint Patrice n’est plus seulement considéré comme un endroit où l’on peut éprouver réellement les peines du Purgatoire ; c’est surtout un lieu privilégié où l’on a des visions de l’autre monde. On n’est plus au temps où Caesaire de Heisterbach (mort en 1240) pouvait écrire : <( Celui qui doute du Purgatoire, qu’il aille dans le pays des Scots, qu’il entre dans le Purgatoire de Patrice, et il ne doutera plus des peines du Purgatoire (2). Les pèlerins eux-mémes sont moins affirmatifs sur la réalité des tourments.

En 1394, sir William Lisle, chevalier de la chambre du roi d’Angleterre, visitait le sanctuaire du Lac Derg et racontait à Froissart ses impressions :

« Le Vendredy au matin, écrit Froissart*3), nous chevauchasmes ensemble, messire Guillemme de Lille et moi, et sus nostre chemin je luy demanday se il avoit esté en ce voyage d’Irlande avec le roy. Il me respondy : « Oyl. » Dont luy demanday se de ce qu’on appelle le trou SaintPatris, c’estoit vérité tout ce qu’on en disoit. « Il me répondy que oyl, et que luy et ung chevallier d’Angleterre, le roy estant à Duvelin, y avoient esté et si estoient enclos oultre soleil esconsant, et là demourèrent toule la nuit et lendemain furent yssus hors à soleil levant. Dont luy demanday des merveilles et des nouvelles dont on racompte et que on y veoit, se riens en estoit. Il me respondy ad ce et me dist : « Quant moy et mon compaignon eusmes passé la porte du celier, que on appelle le Purgatoire Saint-Patris, et nous feusmes descendus trois ou quatre pas (car on y descent ainsi que à ung celier), challour nous prist ens ès testes, et nous asseismes sur les pas qui sont de pierre, et, nous illec assis, très grant voulenté nous vint de dormir, et dormismes toute la nuit. « Dont luy demanday se, en dormant, ils scavoienl où ils estoient et quelles visions leur vindrent. 11 me respondy et dist que en dormant ils entrèrent en ymaginations très-grandes et songes merveilleux, et veoient, ce leur sembloit, en dormant trop plus de choses que ils n’euissent fait en leurs chambres sur leurs lits. Tout ce affermoient-ils bien : « Et quant au matin nous feusmes éveillés, on ouvry l’uys, car ainsi le avions nous ordonné, et yssimes hors, et ne nous souvint de chose que eussions veu, et tenions et tenons encoires que ce soit toute fantosme. »

Ces rêves que Sir William Lisle eut pendant son sommeil, un autre pèlerin ne les eut même pas. En 1494, sous le pontificat

[1]

[2]

[3]

  1. In nomine Jesu Christi opusculum de Purgatorio Sancti Patricii llyberniae patroni scriptum per fratrem Dominicum Brullaughan, Lovanii.
  2. Caesarii Heisterbacensis monachi ordinis Cistereiensis Dialogus Miraculorum, accurate recognovit Josephus Strange. Coloniae, Bonnae et Bruxellis, 1851, distinctio 12, cap. 38, p. 347. Cf. P. Le Brun, Histoire critique des pratiques superstitieuses, t. IV, p. 44-40.
  3. Chroniques, éd. Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, 1871, t. XV, p. 145146.