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GIRAUD DE CAMBRIE.

d’entre eux appellent ce lieu purgatoire (purgatorium) de saint Patrice[1] ».

A peu près à la même époque que Jocelin, Giraud de Cambrie, dans la Topographia Hibernica, place le Purgatoire de saint Patrice en Ulster. « Il y a, écrit-il, sur les confins de l’Ulster, un lac qui contient une lie composée de deux parties[2] ; l’une, ayant une église très respectée, est tout à fait belle et agréable, incomparablement illustrée par les visites des anges et par le concours visible des saints de cet endroit ; l’autre partie, très âpre et horrible, est, dit-on, assignée aux seuls démons, en sorte qu’elle reste presque toujours exposée aux tumultes et aux pompes visibles des mauvais démons. Cette partie a en elle neuf fosses ; si quelqu’un ose passer la nuit dans l’une d’elles (ce qui quelquefois a été tenté sans aucun doute par des hommes téméraires), il est aussitôt saisi par les malins esprits, et toute la nuit il est torturé par de graves châtiments et sans cesse affligé de tant et tant de feux ineffables et de diverses sortes de tortures par l’eau, qu’au matin on trouve à peine quelques restes de souffle dans son corps misérable. A ce qu’on assure, si l’on supporte ces tourments par suite d’une pénitence imposée, on ne subira pas les peines infernales, à moins d’avoir commis des fautes trop graves. Ce lieu est appelé par les habitants Purgatoire de saint Patrice. En effet, comme le saint homme avait discuté avec le peuple incrédule des peines infernales des réprouvés et de la vraie et perpétuelle gloire des élus après la mort, pour imprimer plus sûrement que par les mystères de la foi, des choses si grandes, si inusitées, si nouvelles et inopinées dans les âmes grossières des infidèles, il mérita d’obtenir, par l’instance efficace de ses prières, une grande et admirable connaissance de l’une et de l’autre chose très utile pour ce peuple à la tête dure[3].

Avec Giraud de Cambrie (1147-1223 ?), la légende est désormais située en Ulster, dans l’île du lac Derg, au sud-est du comté de Donegal[4], où se rendent encore aujourd’hui les pèlerins désireux

  1. Colgan, Trias thaumalurga, Louvain, 1647, p. 103, col. 1. Le plus souvent ce sont des cavernes qui servent de lieu de retraites à des saints : Dom Gougaud me signale S. Ninian’s cave à Glasserton, S. Fergus’ cave, S. Fillan’s cave. Cf. la caverne où descend S. Brendan pour faire pénitence (Stokes, Lives of saints from the Book of Lismore, p. 250.
  2. Cf. Procope, De la guerre des Goths, IV, 20, 42-47. Au lac Derg est aussi attaché un épisode de la légende de Finn mac Cumaill. Cf. Wright, St. Patrick’s Purgatory, p. 1-4.
  3. Topographia Hibernica, II, 5. Rolls édition, p. 82-83. Cf. Camden, Britannia sive (lorentissimorum regnorum Angliae, Scotiae, Hiberniae et insularum adjacentium ex intima antïquitate chorographica descriptio, Londini, 1607, p. 516.
  4. L’tle s’appelle aujourd’hui Station Ireland ; le lac est situé dans la paroisse de Templecame, baronnie de Tyrhugh, comté de Donegal, diocèse