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sait de son manteau et de son chapeau, lequel était toujours troué, bossue, privé de ses bords, et les accrochait à la penderie, ce qu’il faisait aussi sans bruit, à la muette ; ensuite il allait discrètement s’asseoir quelque part, et, les yeux fixés sur son Pétinka, il épiait tous les mouvements du jeune homme pour deviner dans quelle disposition d’esprit il était. Le fils manifestait-il un peu de mauvaise humeur, aussitôt le père se levait et faisait ses excuses : « Je ne voulais rester qu’une minute, Pétinka. Je viens de faire une longue course, et, comme je passais par ici, je suis entré pour me reposer un instant. » Puis, sans ajouter un mot, il prenait docilement son manteau et son chapeau, ouvrait la porte avec les mêmes précautions qu’auparavant, et se retirait en s’efforçant de sourire pour cacher à son fils le chagrin qui remplissait son âme.

Mais quand l’étudiant faisait bon accueil à son père, celui-ci ne se sentait pas de joie. La satisfaction rayonnait sur son visage ; elle perçait dans ses mouvements, dans ses gestes. Si son fils lui adressait la parole, le vieillard se soulevait à demi sur sa chaise, et répondait à voix basse, d’un ton servile, presque pieux, en em-