Page:Dostoievski - Les Pauvres Gens.djvu/257

Cette page n’a pas encore été corrigée

15 septembre.

MONSIEUR MAKAR ALEXÉIÉVITCH !

Je suis tout entière dans une agitation terrible. Écoutez ce qui nous est arrivé. Je pressens quelque chose de fatal. Tenez, jugez vous-même, mon inappréciable ami : M. Buikoff est à Pétersbourg. Fédora l’a rencontré. Il était en traîneau, il a fait arrêter, a abordé lui-même Fédora et lui a demandé où elle demeurait. Comme elle refusait de répondre, il a dit en riant qu’il savait qui habitait chez elle. (Évidemment Anna Fédorovna lui a tout raconté.) Alors Fédora n’a pu se contenir, et, séance tenante, en pleine rue, elle s’est mise à l’accabler de reproches, elle lui a dit qu’il était un homme immoral, qu’il était la cause de tous mes malheurs. Il a répondu que, quand on n’a pas un groch, naturellement, on est malheureux. Fédora lui a répliqué que j’aurais su gagner ma vie par mon travail, que j’aurais pu me marier, ou, du moins, trouver une place quelconque, tandis que maintenant mon bonheur était perdu pour toujours ; que, de plus, j’étais malade et que