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l’âme. Vous aussi vous devriez rouler carrosse, ma chère petite belette. Ce n’est pas des gens comme nous, mais des généraux qui devraient quêter un regard bienveillant de vous. Au lieu d’une vieille robe de guingan, vous devriez avoir sur votre personne de la soie et de l’or. Vous ne devriez pas être maigre, étiolée, comme à présent, mais fraîche, vermeille, potelée comme une petite figure de sucre. Et moi alors je serais heureux par cela seul que de la rue je vous verrais à travers les fenêtres brillamment éclairées, par cela seul que j’apercevrais votre ombre ; rien qu’en pensant que là vous êtes gaie et heureuse, mon joli petit oiseau, je me réjouirais moi aussi. Tandis que maintenant ! C’est peu que de méchantes gens vous aient perdue, un vaurien, un débauché vous insulte. Parce qu’il porte un frac de petit-maître, parce qu’il braque sur vous, l’effronté ! un lorgnon, monté en or, tout lui est permis, et il faut écouter avec condescendance ses paroles inconvenantes ! Mais pourquoi donc tout cela ? Eh bien, parce que vous êtes orpheline, parce que vous êtes sans défense, parce que vous n’avez aucun ami puissant qui vous protège. Et qu’est-ce que c’est que l’homme, qu’est-ce