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humeur !... » Déjà je me dirigeais vers la porte quand parut Markoff, un homme tel quel, avec des cheveux blancs et de petits yeux rusés ; il portait une robe de chambre crasseuse, une corde lui servait de ceinture. Il s’informa du motif de ma visite ; je balbutiai que je venais de la part d’Emilian Ivanovitch, que j’avais besoin de quarante roubles... Je n’achevai pas ; j’avais lu dans ses yeux que c’était une affaire manquée. « Non, répondit-il, je n’ai pas d’argent ; mais avez-vous un gage ? » J’expliquai à Markoff que je n’avais pas de gage, mais que je lui étais envoyé par Emilian Ivanovitch ; en un mot, je dis ce qu’il y avait à dire. « Non, répliqua-t-il après m’avoir écouté jusqu’au bout ; que m’importe Emilian Ivanovitch ? Je n’ai pas d’argent. » — « Allons, pensai-je, c’est comme cela, c’est toujours comme cela ; je m’en doutais, je l’avais pressenti. » Positivement, Varinka, j’aurais voulu que la terre s’entr’ouvrit sous mes pieds ; j’étais glacé, mes jambes s’engourdissaient, je sentais un fourmillement le long de l’épine dorsale. Je regarde Markoff, lui-même fixe ses yeux sur moi : « Va-t’en donc, mon ami, il n’y a rien à faire ici pour toi », semble-t-il me dire ; je comprenais si bien ce regard qu’en toute autre circonstance je