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s. Mais permettez, ma petite fille, — vous m’écrivez, mon petit ange, de ne pas faire d’emprunt. Ma chérie, il est impossible de s’en passer ; mes affaires sont en mauvais état, et j’ai peur que les vôtres ne viennent aussi à se gâter tout d’un coup ! Vous n’êtes pas forte ; c’est pour vous dire qu’un emprunt est absolument nécessaire. Eh bien, maintenant je continue. Je vous ferai remarquer, Varvara Alexéievna, qu’au bureau je suis assis à côté d’Emilian Ivanovitch. Ce n’est pas l’Emilian que vous connaissez. Celui dont je parle est, comme moi, conseiller titulaire, et nous sommes peut-être les deux plus anciens employés de toute notre division. C’est une bonne âme, une âme désintéressée ; mais il est fort peu causeur, et il a toujours l’air d’un vrai ours. En revanche, il sait son affaire, il possède la pure écriture anglaise, et, s’il faut dire toute la vérité, il n’écrit pas plus mal que moi, — c’est un digne homme ! Je n’avais jamais été lié intimement avec lui, nous nous disions seulement : « Bonjour », et « Adieu », selon l’usage ; parfois, si j’avais besoin d’un canif, il m’arrivait de lui demander : « Emilian Ivanovitch, prêtez-moi votre canif » ; en un mot, nous n’avions ensemble