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j’ai peu lu jusqu’à présent, fort peu, presque rien ; j’ai lu le Tableau de l’homme, un ouvrage intelligent ; j’ai lu l’Enfant qui exécute divers morceaux sur des sonnettes, et les Grues d’Ibycus ; mais voilà tout, je n’ai jamais rien lu d’autre. Maintenant je viens de lire ici, dans votre livre, le Préposé du relais ; eh bien, je vous le dis, matotchka, il arrive que vous vivez et que vous ne savez pas qu’il y a à côté de vous un livre où toute votre vie est mise en pleine lumière. Ce dont vous-même ne vous étiez nullement aperçue auparavant, voilà que, quand vous commencez à lire dans ce livre, vous vous le rappelez peu à peu, vous le retrouvez, vous le devinez. Et enfin voici encore quelque chose qui m’a fait aimer votre petit livre : certains ouvrages, on a beau les lire, les lire, se mettre l’esprit à la torture ; c’est si fin qu’on n’y comprend goutte. Moi, par exemple, je suis naturellement obtus, j’ai la conception difficile, en sorte que je ne puis pas lire les livres trop sérieux ; mais cela, vous le lisez, et il vous semble que vous-même l’avez écrit ; on dirait que l’auteur a pris votre propre cœur, l’a retourné et en montre l’envers aux gens, sans négliger le moindre détail ! Et c’est simple, mon Dieu, mais quoi ! Vraiment, moi