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parfois, et je n’ai pas de plus terribles cauchemars. Peut-être aura-t-on observé que, jusqu’à ce jour, je n’ai presque jamais parlé de ma vie au bagne. Il y a dix ans[1] que j’ai écrit la Maison des Morts, sous le nom d’un personnage fictif : un condamné qui a tué sa femme. Et j’ajouterai à ce sujet que bien des personnes pensent et affirment encore que j’ai été exilé pour avoir assassiné ma femme…

Peu à peu pourtant je me calmai, et insensiblement je plongeai dans mes souvenirs. Pendant mes quatre ans de bagne, je n’ai cessé de songer à tout mon passé, et il me semble que j’y ai revécu, par le souvenir, toute ma vie morte. Les souvenirs se dressaient d’eux-mêmes devant moi. Je les évoquais rarement par un

  1. Dostoïevsky écrivait ceci en 1876.