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fleurs dans ses cornes, et décoraient son torse de guirlandes. Vaska revenait alors en tête du convoi pimpant et paré ; les nôtres le suivaient et s’enorgueillissaient de le voir si beau. Cet amour pour notre bouc alla si loin que quelques détenus agitèrent la question enfantine de dorer les cornes de Vaska. Mais ce ne fut qu’un projet en l’air, on ne l’exécuta pas. Je demandai à Akim Akimytch, le meilleur doreur de la maison de force après Isaï Fomitch, si l’on pouvait vraiment dorer les cornes d’un bouc. Il examina attentivement celles de Vaska, réfléchit un instant et me répondit qu’on pouvait le faire, mais que ce ne serait pas durable et parfaitement inutile. La chose en resta là. Vaska aurait vécu encore de longues années dans notre maison de force, et serait certainement mort asthmatique, si un jour, en revenant de la corvée en tête des forçats, il n’avait pas rencontré le major assis dans sa voiture. Le bouc était paré et bichonné. « Halte ! hurla le major, à qui appartient ce bouc ? » On le lui dit. « Comment, un bouc dans la maison de force, et cela sans ma permission ! Sous-officier ! » Le sous-officier reçut l’ordre de tuer immédiatement le bouc, de l’écorcher et de vendre la peau au marché ; la somme reçue devait être remise à la caisse de la maison de force ; quant à la viande, il ordonna de la faire cuire avec la soupe aux choux aigres des forçats. On parla beaucoup de l’événement dans la prison, on regrettait le bouc, mais personne n’aurait osé désobéir au major. Vaska fut égorgé près de la fosse d’aisances. Un forçat acheta la chair en bloc, il la paya un rouble cinquante kopeks. Avec cet argent on fit venir du pain blanc pour tout le monde ; celui qui avait acheté le bouc le revendit au détail sous forme de rôti. La chair en était délicieuse.

Nous eûmes aussi pendant quelque temps dans notre prison un aigle des steppes, d’une espèce assez petite. Un forçat l’avait apporté blessé et à demi mort. Tout le monde l’entoura, il était incapable de voler, son aile droite pendait impuissante ; une de ses jambes était démise. Il regardait